Êtes-vous prêt à recevoir du feedback en 2024 ?

Feedback par ci, feedback par là… À trop l’entendre, on finit par croire qu’il ne s’agit que de donner son avis à quelqu’un. Un malentendu à rectifier, pour faire de ce « retour » un allié de notre transformation personnelle et collective.

Au sens littéral, feedback signifie nourrir (feed) en retour (back). Or, qui dit nourrir dit « nourriture ». Jusqu’au 18e siècle, « nourriture » (du latin norreture) signifie aussi l’éducation, l’action d’élever, d’instruire.

Mais toute nourriture n’est pas feedback.

Pardon ? Je vous entends chuchoter que vous avez l’habitude d’en recevoir et/ou d’en donner.

Pourtant, selon le cabinet de management MoreHuman Partners, seul un tiers des Français disent recevoir le feedback dont ils auraient besoin…tandis que les deux autres tiers disent être à l’aise pour en donner.

On a un problème, Sherlock.

Peut-être est-ce une question de définition ? On pense souvent donner du feedback alors que ce n’est pas le cas. Les compliments et les reproches ne sont pas du feedback.

« Bravo pour ta représentation » n’en est pas un !

Critiquer, juger, comparer, classer, agresser non plus. Pas plus que l’entretien annuel d’évaluation. Ni les ordres : ce sont des injonctions à faire une action immédiate.

Alors, comment définir le feedback ?

Selon Stéphane Moriou, conférencier et auteur de Feedback : le pouvoir des conversations, il s’agit d’un :

cadeau apprenant, universel et continu, que l’on offre à l’autre en retour à une observation directe, afin de l’aider à libérer son potentiel et à réduire les interférences qui impactent négativement sa performance.

Feedbacks positifs et correctifs – à délivrer sans modération

Toujours selon Stéphane Moriou, il n’en existe que deux types :

1.Le feedback positif, qui se concentre sur ce qui a été bien fait, et sur les points forts de votre interlocuteur – dont celui-ci n’a pas toujours conscience.

On identifie ce qui, dans une situation, conduit au succès.

Ce ne doit pas juste être un compliment, il faut tenter d’apporter une idée nouvelle à laquelle la personne n’a pas encore pensé. Le feedback positif est donc une invitation à réussir de nouveau, avec l’objectif de libérer le potentiel de l’autre.

« Well done for your presentation » n’est pas un feedback.

« Great intervention Jean, thank you. It was clear, short and concentrated on main facts. And in an engaging tone! » est un feedback !

2.Le feedback correctif, lui, n’insiste pas sur ce qu’il ne fallait pas faire mais sur ce qui pourrait être mieux fait pour réussir à l’avenir. Cela suppose de la réflexion de notre part pour suggérer des pistes alternatives. Le feedback correctif est donc cette fois une invitation à apprendre.

Donner du feedback positif peut intimider ! Pour désamorcer ces appréhensions, il faut miser sur la récurrence. Pauline Laigneau, la fondatrice de la marque de joaillerie Gemmyo, a par exemple instauré un temps hebdomadaire consacré aux feedbacks positifs et correctifs. Intégrer cette routine dans ses échanges en tête-à-tête, comme une séance de sport dans sa semaine, atténue l’impact émotionnel et crée un moment privilégié avec son équipe.

Oser en demander

Bien fait, le feedback peut également révéler un angle mort de notre personnalité qui nous oblige à travailler sur nous. Alors, comment demander ces retours qui font grandir ?

Dire à chaud à quelqu’un « s’il te plaît, donne-moi du feedback » n’est certainement pas la bonne technique. Notre interlocuteur a besoin d’être prévenu en amont pour élaborer un retour construit.

Pour cela :

  1. Formulez votre demande précisément,ciblez les points forts sur lesquels vous souhaitez capitaliser, et vos points d’effort à développer.
  2. Variez vos interlocuteurs. Demandez d’abord à des personnes à qui vous faites confiance, puis élargissez le cercle pour récolter des points de vue différents.
  3. Demandez régulièrement des retours.

Surtout, le feedback n’est pas réservé aux managers ! En tant qu’autoentrepreneur, artisan ou artiste, demander du feedback à ses clients est un excellent levier d’apprentissage. Nous pouvons aussi en demander à nos amis ou à d’autres freelances.

J’ai reçu récemment le questionnaire d’un collègue coach qui me demandait, anonymement, du feedback sur sa façon de travailler. Il commençait par rappeler que :

« le feedback est un exercice puissant car malheureusement, nous avons trop souvent une autoperception biaisée et nous ne voyons pas tout le temps ce que d’autres voient en nous. »

Un freelance peut s’inspirer des rituels de l’entreprise Theodo qui développe des applications web.

Theodo est connu pour mettre en œuvre des processus de communication, fondés sur la philosophie du Lean qui signifie « sans superflu », et se concentre sur la satisfaction client en supprimant l’inutile. Par exemple, chaque semaine les équipes envoient à leur client un questionnaire pour faire le bilan : “comment notez-vous le travail exécuté durant la semaine ? »

En dessous de 8/10, les équipes de Theodo engagent des discussions pour récolter du feedback et comprendre comment mieux satisfaire les clients.

Finalement, le feedback n’est-il pas un acte d’amour ? Car pour en donner, il faut bien connaître son entourage. Et, pour aller encore plus loin, on peut le concevoir comme un outil d’introspection.

C’est une stratégie pour réconcilier notre identité avec notre réputation.

  • Notre identité, c’est ce que nous croyons être : c’est la somme des histoires que nous nous racontons sur nous-mêmes.
  • Notre réputation, c’est la personne que les autres savent que nous sommes.

Ce retour sur soi contribue à réduire le fossé entre les histoires que les autres racontent sur moi et les histoires que je me raconte.

Alors faut-il rechercher continuellement du feedback ? Lorsque nous traversons de puissants remous émotionnels, la peau est parfois trop fine pour s’exposer au regard extérieur.

Dans le traité d’éducation de Jean-Jacques Rousseau intitulé Émile, je me souviens d’une scèneoù Rousseau décrit un homme chez qui « tout va bien ». Il est au soleil, bien nourri dans un lieu merveilleux. Puis, tout à coup, il reçoit un article d’un journal où est dit du mal de lui et là, tout s’écroule. Il devient malheureux et mauvais. Il est obsédé par sa mauvaise réputation…

Alors, ma question pour vous est la suivante : êtes-vous prêt à recevoir du feedback en 2024 ?

Vous retrouverez ces lignes dans le prochain article écrit pour le magazine Odyssées. de LiveMentor. Odyssées c’est le fabuleux premier magazine français pour entrepreneurs. Si vous avez apprécié cet article, je vous le recommande de vous abonner pour lire toutes les autres chroniques, sa lecture est un shoot d’énergie sans effet secondaire.